Le 14 octobre, le club Culture et Management a organisé un webinaire dans le cadre de son cycle « Phygital » sur le thème « Monétisation de l’accès à la culture par la numérique ». Le sujet du livestream, véritable sujet d’actualité pour tous les acteurs culturels, a été abordé avec Eddie Aubin, président de MyOpenTickets, Martin Arnaud, Strategic Partner Manager chez YouTube, Jean-Philippe Thiellay, président du CNM, et Dan Tepfer, pianiste de jazz, compositeur et codeur. Compte-rendu.
L’artiste Dan Tepfer a introduit cette conférence en revenant sur son expérience du livestream. Et le premier constat : il s’est dit très agréablement étonné de retrouver les mêmes sensations que lors d’un concert dans une salle : « j’ai ressenti la présence du public, et le même danger que sur une scène ». Mais tous les intervenants se sont accordés à dire que les concerts en livestream ne pouvaient remplacer les concerts en physique. « Le livestream n’est pas un substitut, c’est autre chose. »
Plusieurs questions se posent alors pour aborder le sujet du livestream dans la musique.
Quel cadre juridique pour le livestream en France ?
« En fait, on ne sait pas, c’est une forme de no man’s land. », a répondu Jean-Philippe Thiellay. La technique et le juridique vont ensemble : selon lui, s’il y a des événements en livestream, les modèles économiques et le cadre juridique suivront. « Mais le CNM est là pour identifier des leviers : nous allons accompagner la création de ces modèles économiques, tout en garantissant que les différents maillons de la chaîne de valeur soient respectés. »
Eddie Aubin est ensuite revenu sur la spécificité du billet en France : « c’est une licence de droit d’accès et non un produit ». Le cadre du juridique sur la billetterie en livestream n’existe pas encore. « Le billet est plutôt symbolique pour un livestream, en accordant un accès au spectateur, mais on n’est pas sur la fiscalité d’un spectacle. » Par contre, il existe des lois concernant la captation et la diffusion d’œuvre. « Maintenant, il faut se demander comment la fiscalité d’un spectacle peut être adaptée pour la fiscalité d’un spectacle en ligne lors d’un cas d’hybridation. » Finalement, ses recommandations sont de ne pas complexifier les procédures qui existent déjà par rapport des « professionnels qui sont déjà dans une situation difficile » et « d’accompagner tous les acteurs de la filière. »
Quels prix pour un événement en livestream ?
Jean-Philippe Thiellay a rappelé que 52% de Français souhaite qu’un livestream soit moins cher. « Mais moins cher que quoi ? Qu’un billet de spectacle ? C’est une demande normale. ». D’ailleurs, 84% ne sont pas attirés par le livestream, « et je les comprends : pour l’instant, ce ne sont que des diffusions de live, et pas une expérience enrichie avec de l’interactivité. »
Eddie Aubin a complété cette analyse avec d’autres chiffres. « Selon les retours du marché, les tarifs des billets pour le livestream sont entre 25 et 85% du prix habituel d’un billet », tout dépend de l’expérience du livestream qui est proposée. Les packages (merchandising et billet) fonctionnent très bien aussi, et permettent d’avoir un panier moyen à 50€.
Sur YouTube, 9 des 10 plus grands livestream musique ont eu lieu cette année sur YouTube, « c’est un phénomène nouveau » selon Martin Arnaud. Pour l’instant, le pay-per-view n’existe pas sur YouTube, « mais est à l’étude ». Des fonctionnalités de super chat et de super stickers, qui existent depuis longtemps, ont été un levier supplémentaire pour les artistes, depuis le début de la crise sanitaire. « Des livestreams en Asie notamment, ont généré des centaines de millions de dollars de dons, avec des participations moyennes entre 30 et 40$ par utilisateur ».
Dan Tepfer a commencé les livestreams dès le début du confinement, avec des performances hebdomadaires, d’abord gratuites, puis aussi payantes. Mais l’expérience finale est clé : « le public doit comprendre que c’est en temps réel. Je réponds aux questions dans les commentaires, je joue des titres que mon public demande… »
Pour le tarif des prestations en livestream, Jean-Philippe Thillay identifie trois points : la baisse des coûts de captation, une communication basée sur la data pour identifier les bonnes personnes, et la proposition de valeur ajoutée. « Et sur ces points, le CNM peut aider. »
Perspectives et innovations du livestream
Le livestream est une source de monétisation supplémentaire pour les artistes, mais pour les salles et institutions culturelles, la solution de membership sur YouTube est aussi intéressante. « C’est possible de répliquer ou d’appliquer un système d’abonnement comme en physique, pour développer une stratégie de fidélisation sur le long-terme », a expliqué Martin Arnaud.
« Il va falloir que le marché stoppe le tout gratuit et embraye vers le payant : le public est prêt », a expliqué Dan Tepfer. Lors de ces livestreams payants, il a pu récolter des revenus à la hauteur d’un concert en format classique.
Des logiques confirmées par Eddie Aubin, qui distingue la posture artistique, soit la relation directe de l’artiste avec ses fans sublimée lors d’un livestream, et la professionnalisation du secteur. « Seul le public est dématérialisé et on peut profiter d’une jauge illimitée : il faut que la chaîne de valeur complète puisse retrouver un équilibre, et c’est au marché de se professionnaliser » Il a également souligné, avec Jean-Philippe Thiellay, l’innovation des acteurs français sur ce sujet.