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[Interview] “Les modèles économiques du sport professionnel français doivent évoluer pour pérenniser leur business modèle” Renaud Charles, responsable billetterie de Fos Provence Basket

Alors que la France continue de se déconfiner, le secteur du spectacle et du sport, et notamment les services de billetterie, sont encore en plein milieu de la crise. Pour continuer notre série d’interviews exclusives dédiées au secteur, Ticket 721 a rencontré Renaud Charles, responsable billetterie de Fos Provence Basket, qui va nous expliquer comment s’est déroulée la vie d’un club de taille moyenne pendant la crise du COVID mais aussi sa vision sur les Business modèles dans le sport.

Renaud, est-ce que vous pouvez nous décrire votre parcours en quelques mots ? 

Je suis issu d’une formation école de commerce avec une spécialisation dans le sport. Pour moi ça a toujours été une évidence. J’ai construit mon parcours avec cette volonté de devenir un professionnel du sport.

Durant cette formation j’ai fait un premier stage chez Digitick, qui m’a mis le pied à l’étrier dans le monde de la culture & du sport. A ce moment je découvrais le monde de la billetterie et je n’avais pas toutes les notions financières, outils… ça a été pour moi un moyen de monter rapidement en compétences. Le côté sympa (d’autant plus en étant étudiant) c’est qu’on peut facilement assister à des concerts et des matchs quand on travaille dans une société comme celle-là !

Ensuite en 2016 j’ai travaillé à Nice pour le compte de l’Euro 2016 de football, sur la partie billetterie avec notamment le plan de distribution des achats en ligne. Cela représentait un peu plus de 20 000 billets. J’étais également en charge d’une trentaine de bénévoles, le tout sous le regard de l’UEFA bien sûr. L’avantage c’est que la solution qu’on a utilisée (Secutix pour ne pas la nommer) était très simple de prise en main. Par conséquent nous n’avions pas eu de problématique avec les bénévoles, qui n’y connaissaient pourtant rien en informatique et en billetterie.

Suite à cette expérience j’ai continué à consolider mon parcours professionnel en tant que consultant de billetterie, sur Marseille, et en parallèle de cela j’ai aussi formé des personnes au sein des ligues sur la stratégie commerciale d’offre billetterie.

En 2018, j’ai rejoint Fos Provence Basket en tant que responsable billetterie, tout en gardant mon activité de formation en parallèle.

Est-ce que vous pouvez nous décrire le club de Fos ou vous évoluez maintenant depuis près de deux ans ?

Alors déjà pour donner un peu plus de contexte, Fos est un petit club à l’échelle des clubs professionnels : créé en 1972, il est parti du tout dernier échelon du basket français. Nous sommes montés en pro B pour la première fois en 2009 avec le plus petit budget de la ligue, puis après plusieurs campagnes de play-off infructueuses on est montés en pro A en 2018. La aussi on avait le plus petit budget, avec un écart encore plus grand. L’écart financier avec les autres équipes de la Jeep Elite ne pardonne pas à ce niveau ! Malheureusement cette aventure en pro A n’a duré qu’un an et nous sommes de nouveau en pro B à l’heure qu’il est.  

La première question qui me vient à l’esprit concerne le COVID : comment un petit club comme Fos a-t-il géré cet évènement et comment a-t-il été vécu ?

Pour revenir sur le COVID on a vraiment été pris de cours, quand c’est arrivé on pensait vraiment que ce ne serait pas un lockdown complet. On voyait quelques fédérations qui commençaient à annuler des évènements (comme le hockey) c’est à partir de ce moment-là que nous avons été bien plus attentif à la situation. Nous devions jouer le 13 Mars, la ligue a pris la décision de tout arrêter ce même 13 Mars à 17h, quelques heures avant le match.

Nous avons la chance d’avoir une mairie qui est est un véritable partenaire présent lors des moments difficiles comme ceux-là. Avec un peu de recul l’impact a été moins violent que dans d’autres structures, même si cela quand même été difficile à encaisser.

La ligue est arrêtée et l’année est considérée comme blanche. Pour nous ça n’a pas eu énormément d’impact comme on était en milieu de tableau mais un club comme Blois qui rate sa deuxième montée en trois ans alors même qu’ils étaient très en avance sur les seconds le sentiment n’est pas le même.

Et en prévision de la reprise de l’activité qu’êtes-vous en train de préparer et qu’avez-vous mis en place pendant le COVID ?

On a commencé par mettre l’humain au centre de tout ce qu’on faisait. Moi par exemple j’ai pris mon téléphone et j’ai contacté tous les abonnés pour savoir comment ils allaient ainsi que leurs familles. C’est une action qui peut sembler anodine mais on a été chaudement remerciés pour ça. Après bien entendu on a mis en place une présence forte sur les réseaux en proposant par exemple un tournoi Esport en ligne… Pour créer du lien et montrer que malgré la période le club est toujours là.

Pour la rentrée nous essayons de mettre en place de nouvelles choses comme par exemple les faire venir aux entraînements, de nouveaux tournois Esport (en collaboration avec des ligues étudiantes par exemple) etc… Bien entendu on sait que cela demande du temps et des moyens, donc il y aura des arbitrages à faire.

Comment voyez-vous l’évolution du sport professionnel français en conséquence de ces événements ? Quelles transformations doivent et vont être menées selon vous ? 

Alors pour moi c’était une évidence avant même le COVID. Les modèles économiques du sport professionnel français doivent évoluer pour pérenniser leur business modèle, que ce soit en cas de crise ou en de mauvais résultats sportifs. Pour moi la première solution, qui peut sembler évidente, est de renforcer les équipes commerciales, qui vont aller chercher des partenaires, mais aussi des groupes provenant du grand public.

A l’heure actuelle il est de plus en plus difficile de faire le distingo entre offre BtoB & offre BtoC.

La deuxième c’est la digitalisation : tout devient digital et il faut adapter les contenus. Les gens sont soumis à un choix pléthorique entre la TV, Youtube, les jeux vidéo… Il faut proposer quelque chose de différent et adapté pour être capable de capter l’audience. Et pour moi-même avec un budget limité il est possible de mettre en place des choses gratuites mais aussi monétisables (auprès des sponsors, mais aussi des spectateurs).

Si je prends l’exemple de Fos on pourrait par exemple proposer une partie contre un joueur de l’équipe sur 2K, en tant que finale d’un tournoi porté par un sponsor.

Et en ce qui concerne le Business modèle qui m’a marqué est celui des Sixers en NBA. Pendant The Process (ndlr : période de 5 ans ou Philadelphie perdait quasiment tous ses matchs afin de pouvoir choisir les meilleurs jeunes joueurs) ils ont embauché une armée de commerciaux, et ont réussi à remplir petit à petit. Bien entendu l’évolution de leurs résultats à aussi joué mais ça a eu un impact non négligeable et je pense que beaucoup de choses portent leurs fruits aujourd’hui.

Dans un monde idéal comment mènerez-vous la transformation d’un club d’un point de vue Business ? 

Alors déjà je commencerai par voir ce qui est fait à l’étranger (USA, GB, Danemark etc…) pour acquérir de nouvelles compétences. Dans un premier temps je commencerai par observer et faire l’état des lieux de ce qui existe, mais surtout de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Spécifiquement je vais aller chercher au niveau des bases de données, qui est à mes yeux la première source de revenu (de manière directe et indirect). Ensuite je contact des abonnés et des clients qui sont déjà venu assister à l’une de nos rencontres, par mail puis par téléphone, pour les comprendre et nouer un lien avec eux. En faisant les choses simplement : en évoquant le fait notamment de se présenter en tant que nouvelle équipe, on vous propose une réduction sur le prochain tournoi etc… Ensuite il faut vraiment construire une histoire. Ça prend du temps c’est sûr, mais à long terme les bénéfices sont incroyables. La clé est de placer le spectateur au cœur de votre réflexion marketing !

A l’inverse quelle serait l’erreur à éviter ?

Le fait de ne pas nouer de lien avec les supporters et de rester dans sa tour d’argent. Les gens ont besoin de se sentir écoutés, voir qu’on fait preuve d’attention envers eux, et qu’on n’est pas simplement une entité froide et sans émotion. Après tu n’arriveras jamais à rassembler tout le monde mais si tu fais déjà une grosse majorité les résultats seront là. 

Aussi il faut impliquer les joueurs dans cette vie du club pour amener quelque chose en plus aux supporters et qu’il se reconnaissent dans le club. 

Un dernier mot peut-être ? 

Restez curieux sur le monde qui nous entoure ! De nouvelles tendances se dessinent tous les jours. Il ne faut pas avoir peur de tenter des choses qui n’existent pas encore. Soyez libre de créer !!

Propos recueillis par Pierre Dussouillez, Co-founder chez Ticket721

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