La crise sanitaire a révélé les nombreux territoires laissés encore vierges ou en friche par le spectacle vivant musical sur Internet, qui peuvent constituer pour lui des voies de résilience.
Le déconfinement peut durer très longtemps, avec de possibles vagues de rebond épidémique à gérer. Les rassemblements de personnes, dans les stades ou les salles de spectacles, qui ont été les premiers interdits, ne seront à nouveau autorisés qu’en dernier lieu – c’est à dire quand l’épidémie sera réellement maîtrisée, et que le risque de rebond sera totalement levé, ce qui peut prendre 12 à 18 mois s’il faut attendre un vaccin. Le spectacle vivant de musique en serait terriblement impacté. La plupart de ses acteurs, parmi lesquels des milliers de TPE et PME et des centaines de festivals, sont déjà en danger de mort à plus ou moins brève échéance.
Avec l’interdiction des concerts et des festivals, qui sont la principale source de revenus des artistes, en même temps qu’une source de droits d’exécution publique importante pour les auteurs-compositeurs et leurs éditeurs, le coeur de la création musicale est touché de plein fouet par la crise sanitaire. Tout l’écosystème du spectacle vivant de musique, qui est son lieu d’expression authentique et privilégié, se retrouve aujourd’hui à l’arrêt, et menace de s’effondrer purement et simplement si la machine ne se relance pas très vite.
L’incertitude du retour aux affaires
Les perspectives d’un retour aux affaires, si limité soit-il, sont aujourd’hui très incertaines. Elles peuvent le rester longtemps, voire s’annoncer très lointaines si de nouveaux épisodes épidémiques surviennent, qui entraineraient de nouvelles mesures de distanciation sociale, dont les organisateurs de concerts et de festivals feraient de nouveau les frais les premiers. Une réouverture trop lente ou limitée des frontières ferait également peser une contrainte majeure sur l’organisation de tournées internationales ; elle augmenterait les risques d’annulation, et pourrait priver producteurs, tourneurs et festivals locaux de têtes d’affiche internationales la saison prochaine.
L’urgence est à l’élaboration d’un plan de sauvetage, dont la mise en oeuvre mobilise les pouvoirs publics et l’ensemble des instances et des acteurs de la filière – des syndicats de producteurs, diffuseurs et salles de spectacles aux sociétés de gestion collective des droits et jusqu’aux DSP (digital service providers) en bout de chaîne. Des systèmes d’aide sont mis en place, gouvernementaux ou solidaires, comme dans d’autres secteurs, pour maintenir l’économie du spectacle vivant de musique à flot jusqu’à une hypothétique reprise d’activité. Un retour à la situation antérieure à la crise du Covid-19, cependant, semble inevisageable à court ou moyen terme.
D’une part, la nécessité de prendre en compte le risque pandémique dans l’organisation de tout événement public imposera certainement, au moins dans un premier temps, de nouvelles contraintes logistiques : de distanciation physique ; mais aussi de controle sanitaire, avec mise en oeuvre de technologies plus ou moins intrusives, de billetterie nominative, de traçage mobile, ou de reconnaissance faciale. D’autre part, comme l’ensemble des secteurs d’activité, celui du spectacle vivant de musique sera inévitablement confronté à la violente récession économique qui s’annonce à l’issue de la crise sanitaire, dont personne ne saurait encore prédire ni la durée ni l’ampleur.
Des terrains du “live” encore en friche
Passé l’effet premier de sidération, la crise sanitaire, qui a confiné les artistes et les fans chez eux, a révélé les nombreux territoires encore laissés vierges ou en friche par le spectacle vivant de musique sur Internet, en terme d’exploitation comme de monétisation. Elle a aussi révélé la fragilité systémique de son économie toute entière, et son exposition particulière à de nouveaux fleaux qui, à l’avenir, pourraient aussi bien être climatiques que sanitaires. Elle a enfin révélé à quel point ses capacités de résilience sont faibles, voire nulles en pareille situation. Lire la suite >>
Source : Philippe Astor