ENQUETE – Le livestream payant, ces spectacles diffusés en direct depuis une salle vide, se développe dans le monde entier. Pas toujours rentable, il permet aux artistes de maintenir un lien avec le public. Et pourrait perdurer après la crise.
Au point mort depuis un an, le spectacle « live » n’a pourtant pas rendu l’âme. Une visite sur les sites de billetterie réserve de jolies surprises : Björk pour une série de concerts à Reykjavík, le violoncelliste Gautier Capuçon sur une péniche le long de la Seine le 13 avril ou un plateau humour-chanson animé par Camille Lellouche et Kev Adams lundi soir au Théâtre Mogador. Les salles sont toujours fermées mais ces artistes joueront sur scène pour des spectateurs assis dans leur chambre ou leur salon, devant un écran d’ordinateur, un smartphone ou une télévision connectée après avoir acheté un billet, comme pour un concert « normal ».
Marginal dans le monde d’avant la pandémie, le livestream payant, comme on appelle ces spectacles diffusés en direct, connaît une forte croissance. De la rockeuse Patti Smith à la star du piano classique Lang Lang en passant par Kylie Minogue, Jean-Louis Aubert ou Metallica, les plus grands noms s’y mettent.
La multiplication des concerts à distance
Cet engouement, Joel Madden l’a vécu en temps réel. Le chanteur du groupe américain Good Charlotte est un pionnier du livestream avec son site Veeps, créé en 2017. « Notre activité a explosé, assure-t‑il. À mesure que la crise s’installait, de plus en plus d’artistes nous ont sollicités. Aujourd’hui, nous diffusons plus de 1.000 concerts. » Et la tendance devrait s’amplifier avec l’entrée au capital de Veeps du géant américain Live Nation, organisateur de festivals et des tournées de Beyoncé, des Red Hot Chili Peppers, de Madonna et d’IAM.
Le livestream offre de nouvelles opportunités qui pourraient perdurer après la crise
Évidemment, le livestream ne remplacera jamais l’ambiance unique d’un concert physique. « C’est un substitut temporaire mais aussi une nouvelle forme d’expression, analyse Alba Gautier, directrice de Dice France, une application de billetterie en ligne. Les fans sont prêts à payer si la proposition est créative et se distingue d’un concert classique. »
Avec quelque 10.000 livestreams de plus en plus sophistiqués produits depuis un an, on est loin des sessions (gratuites) bricolées à la maison lors du premier confinement – on se souvient de Nicole Kidman se trémoussant sur les airs country de son époux-chanteur Keith Urban, ou de Raphaël interrompu sans ménagement par sa femme, Mélanie Thierry (« Mais t’es dans la cuisine là, je dois faire à bouffer, moi! »).
De gros succès et… des concerts qui rentrent à peine dans leurs frais
Ces concerts payants sont même capables de fédérer de larges audiences. En novembre dernier, la nouvelle pop star anglaise Dua Lipa a frappé fort en rassemblant 5 millions de personnes devant son live dans un entrepôt reconverti en discothèque, inspirée du mythique Studio 54. En juin, le boys band sud-coréen BTS a engrangé 20 millions de dollars en un seul méga-show : plus 750.000 spectateurs de 107 pays avaient déboursé de 26 à 35 dollars pour voir le groupe de K-pop sur leurs écrans!
BTS a récidivé en octobre devant 900.000 fans, pour un jackpot de 44 millions de dollars. L’Américaine Billie Eilish s’est illustrée avec un concert en réalité immersive. Prix des places : 30 dollars. Un tarif onéreux, mais pour la bonne cause : les bénéfices étaient reversés, comme pour de nombreux livestreams anglo-saxons, à des associations de soutien à une filière musicale sur la paille faute d’aides publiques, contrairement à la France.
Chez nous, le modèle se développe mais cherche encore sa rentabilité. « Il faut oublier la notion d’enrichissement avec des artistes franco-français dont l’audience est incomparable à celle des vedettes internationales », indique Thierry Said, le créateur de la plateforme InLive Stream. Lire la suite >>
Source : JDD – Crédit : Koury Angelo/Getty Images for Apple