La planète techno n’est pas seulement une boule à facettes béate et insouciante. Le «dancefloor» est redevenu un ring politique, un espace inédit de confrontation des idées, de contestation.
Tribune. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a rappelé à plusieurs reprises, et avec insistance, notamment lors des Etats généraux des festivals qu’elle a organisés à Avignon, que les «discothèques» et le «monde de la nuit» n’entraient pas dans le spectre du ministère de la Culture, renvoyant ainsi les acteurs de l’espace artistique de la nuit dans les bras du ministère de l’Intérieur et des préfets.
Depuis longtemps, les acteurs du secteur nocturne ont accepté avec fatalisme, parfois avec résignation, que leur travail soit considéré à travers le seul prisme de la sécurité, de l’hygiène, de la santé publique. Il s’agit là d’une erreur historique et d’une immense injustice.
Erreur et injustice car oui, depuis plus de trente ans, le bel et libre espace de la nuit et la scène électronique qui l’habite sont bien le creuset d’une extraordinaire effervescence culturelle, avec ses artistes dans toute leur infinie diversité, ses médias, ses festivals, sa chaîne de production et de médiation… Et bien entendu ses clubs, temples de la diffusion de cette culture auprès d’un immense public.
Un regard bienveillant et inclusif sur la jeunesse
Erreur et injustice qu’il vous faut, Madame la ministre, corriger en urgence. Car au moment où le secteur est à genoux et où de nombreuses entreprises et structures se préparent à disparaître dans le silence et l’obscurité du couvre-feu, il est de la responsabilité du ministère de la Culture, comme certains élus locaux ont commencé à le faire, de rappeler ce que ces centaines d’artistes, ces lieux, ces événements, cette grande chaîne de création ont apporté à notre pays, et pas seulement à son rayonnement culturel international (même si depuis trente ans, sans la culture électronique, ce fameux «rayonnement français» eut été bien pathétique en matière de musique, et que ce serait quand même la moindre des choses de s’en souvenir).
La planète techno n’est pas seulement une boule à facettes étincelante, béate et insouciante. Elle s’est conscientisée au fil des années, à travers le prisme de sa propre liberté, contestée et constamment mise en danger. Longtemps réduites à une culture égoïstement festive et hédoniste par ceux et celles qui ne la comprenaient pas, les musiques électroniques ont – avec trois décennies d’histoire sur les dancefloors planétaires – conquis un autre sens : celui d’un regard légitime, bienveillant et inclusif sur la jeunesse et sur le monde qui nous entoure. Lire la suite >>
Source : Libération