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Lettre ouverte au Ministre de la Culture De Concert ! Fédération internationale de festivals

Monsieur Le Ministre de la Culture, 

Créée en 2008, la Fédération internationale De Concert ! rassemble aujourd’hui 28 festivals répartis dans 8 pays d’Europe et du monde. 

Ces festivals que nous représentons rassemblent chaque année près de 3 millions de spectateurs, représentent 200 millions d’euros de chiffre d’affaires, et créent 13 000 emplois. Ils génèrent des retombées économiques considérables sur nombre de territoires, ruraux comme urbains, français comme étrangers. Ils contribuent ainsi, aux côtés d’autres acteurs, à faire de la culture un vecteur d’attractivité touristique et économique au poids comparable à celui des principales industries européennes. 

Aujourd’hui, victime de la crise sanitaire sans précédent provoquée par le COVID-19, notre secteur déjà fragile, a un genou à terre. Dans les pays que nous représentons, il n’y aura aucun festival cet été et les inquiétudes portent déjà quant à la capacité de chacun à porter son projet en 2021. Ce coup d’arrêt porté à nos activités aura un effet dévastateur sur notre écosystème, les emplois que nous générons, l’économie de nos territoires et le lien social fort dont les festivals sont souvent les porteurs. 

Le 28 mai, le Premier Ministre français Edouard Philippe, à l’occasion d’une allocution précisant les conditions de la phase 3 de déconfinement, a insisté sur le fait que « notre plus grand adversaire, ce sont les très grands rassemblements ». Si nous comprenons bien le sens de la phrase du Premier Ministre, nous rappelons que les festivals, qui sont parfois de « grands rassemblements » ne se considèrent pas pour autant comme des « adversaires », mais bien au contraire comme des sacrifiés et des victimes économiques de cette crise sanitaire. Notre inquiétude est immense aujourd’hui d’être laissés à quai alors même que nous nous réjouissons collectivement de voir la vie retrouver son cours, les rues s’animer, les cafés et les restaurants revivre, l’économie reprendre dans beaucoup de secteurs. 

L’impatience nous guette alors que nous attendons toujours des mesures concrètes et massives de soutien économique à la culture (nous saluons à ce titre la prolongation des droits pour les intermittents jusqu’à août 2021). Nous appelons au dialogue accru avec votre Ministère et nous restons en attente de paroles et d’actes réconfortants et signifiants qui apaiseraient notre légitime inquiétude pour l’avenir et notre grande frustration face à l’annulation de nos évènements (reportés au mieux à l’année prochaine !). 

Forts de la diversité de nos structures et de nos territoires, forts des réflexions menées collectivement depuis plus de 10 ans, nous nous tenons à votre disposition afin de contribuer à préciser dès aujourd’hui, ensemble, les dispositifs qui permettront demain aux festivals de continuer à faire vivre les artistes, à démocratiser l’accès à la culture, à agir pour l’emploi, à développer les territoires et à enchanter les publics. 

Nous formulons à travers ce courrier 10 premières propositions qui rejoignent ou complètent les nombreuses demandes déjà formulées par les autres réseaux et organisations professionnels. 

1- De très nombreux financeurs et collectivités publiques nous ont assuré de leur soutien indéfectible malgré l’annulation de nos évènements. Ceci en sécurisant les aides accordées ou en votant en urgence les aides prévues. Malheureusement, dans certains territoires, ces paroles n’ont pour le moment pas été suivies d’actes (par le biais de versements accélérés ou de votes exceptionnels). 

2- Au-delà du maintien des subventions prévues, des dispositifs complémentaires de soutien et d’aide à la relance ont été annoncé sur de nombreux territoires. Votre Ministère et le Président de la République ont aussi formulé la mise en œuvre « d’un fonds spécifique pour soutenir les festivals culturels avec la contribution des régions » en complément du fond de secours du CNM. À ce jour, nous n’avons aucune nouvelle de l’application concrète de la plupart de ces dispositifs et particulièrement de ce fonds d’aide spécifique aux festivals. 

3- Dans la majorité de nos structures, le recours au chômage partiel s’est fait tardivement (après l’annulation de nos événements) et la reprise totale de l’activité ne sera pas effective avant fin décembre 2020 au plus tôt. Il sera donc essentiel que nous puissions bénéficier du chômage partiel « à taux plein » jusqu’à cette fin d’année. Pour aller plus loin, l’exonération des charges sociales patronales jusqu’au 31 décembre 2020 est aussi notre souhait. 

4- La crise économique a fortement impacté nos partenaires privés et mécènes et ses effets se ressentiront pendant plusieurs années. Nous renouvelons, afin de faciliter le recours au mécénat d’entreprise dans les années à venir, le besoin de statuer sur la défiscalisation à 100 % des contributions. 

5- Une des mesures de soutien financier nous apparaissant parmi les plus simples d’application consisterait en l’abrogation de la circulaire Collomb. Celle-ci permettrait de mettre fin aux conventions financières de sécurité et d’assistance extérieure relevant de la compétence de l’État et désormais à la charge des festivals français. 

6- Dans la continuité de cette action, nous demandons la garantie du maintien du fonds d’intervention du CNM pour la sécurité des sites et manifestations culturels, mis en place depuis les attentats de 2015. Nous souhaitons que soit envisagé un fonds spécifique pour pallier aux surcoûts inéluctables dus à l’application des nouvelles mesures sanitaires. 

7- De manière analogue, nous demandons que les nouvelles mesures de réglementation 

sonore soient rediscutées en réelle concertation avec les acteurs de notre secteur. 

8- Pour faciliter, simplifier, fluidifier les échanges sur ces questions très techniques, mais aussi pour considérer les festivals comme de véritables acteurs de développement et d’attractivité, il serait nécessaire d’envisager des espaces de coopération à un niveau régional. Le caractère éminemment territorial des festivals justifiant cette décentralisation. Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de repenser les espaces de construction politique en y intégrant les acteurs culturels. Ces espaces de coopérations pourront réunir CNM, Préfecture, DRAC, Région, collectivités locales, acteurs culturels et s’appuyer sur la richesse de nos réseaux professionnels déjà très nombreux et structurés en Régions. 

9- Le plan de relance et d’investissement à long terme pour le secteur culturel pourrait s’accompagner pour les festivals d’une stratégie de conventionnement massif accordé aux structures installées durablement sur leurs territoires et de nature souvent associatives. Ce plan de conventionnement pourrait être initié par le CNM sur la période 2021/2023. 

10- Pour conclure, puisque nous sommes une Fédération de festivals internationaux mais essentiellement européenne, nous ne pouvons que repenser à cette « Europe de la culture » dont a beaucoup parlé le Président de la République. Nos festivals sont de fervents défenseurs des échanges artistiques internationaux, de la libre circulation des publics et des artistes et de la protection de la diversité culturelle, éléments qui fondent aussi l’Union Européenne. Aussi, nous avons été profondément déçus par la part consacrée à la culture du prochain budget européen, bien inférieure aux attentes et aux promesses. Nous attendons ainsi de l’Europe des mesures concrètes pour la sauvegarde de notre secteur, mais aussi qu’elle soit la garante de notre indépendance et de notre diversité. Nous souhaitons que la France fasse entendre sa voix de manière forte. Nous appuyons vivement pour une reconnaissance accrue du rôle et de la spécificité des festivals dans cette communauté Européenne. 

Forts de la diversité de nos structures et de nos territoires, forts des réflexions menées collectivement depuis plus de 10 ans, nous nous tenons à votre disposition et à votre écoute afin de construire ces mesures ensemble, avec vous et l’ensemble des réseaux et organisations professionnels. 

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre l’expression de notre respectueuse considération. 

DE CONCERT ! FÉDÉRATION INTERNATIONALE DE FESTIVALS 

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