Andrew Dreskin a co-fondé la première plateforme de billetterie en ligne TicketWeb, vendue en 2000 à Ticketmaster pour 35,2 millions de dollars. Puis, son deuxième projet Ticketfly, a été vendu en octobre 2015 à la plateforme de streaming Pandora pour 450 millions de dollars.
Le magazine Billboard a rencontré Andrew Dreskin à l’occasion du premier anniversaire du rachat de Ticketfly. Nous vous proposons une traduction de cette interview.
Billboard : En 2008, vendre des services en ligne n’était pas nouveau. Quelle était la différence de Ticketfly ?
Andrew Dreskin : Les réseaux sociaux étaient en plein essor et Dan et moi avions le sentiment que, l’entreprise qui exploiterait les fans comme un canal marketing pour les salles et les promoteurs, serait celle qui gagnerait. De plus, on ne comprenait pas pourquoi la billetterie était séparée du reste des outils des promoteurs.
Face à ces problématiques, nous avons crée le premier système entièrement intégré : les salles et les promoteurs pouvaient entrer leurs données de leur événement en une seule fois dans la plateforme, pour pouvoir créer des événements Facebook, générer des billets ou envoyer des tweets sans perte de temps.
B : Vos premiers clients étaient petits et dispersés : quelles ont été les difficultés pour rentrer sur le marché de la billetterie ?
AD : Tous les jours, vous devez essayer de faire tomber vos quilles, une par une. Tout d’abord, il y a eu le Brooklyn Bowl [une salle de concert à New York] et Peter Shapiro [producteur du groupe Grateful Dead], qui a parier sur Ticketlfy. Nous nous sommes serrés la main entre Wythe et la 11ème rue à Williamsburg. Il n’avait pas de salle, et nous n’avions pas de logiciel, alors nous avons décidé que le Brooklyn Bowl serait le premier client de Ticketfly. Ensuite, le 9 :30 Club (à Washington) nous a suivi, et ainsi de suite.
B : Entre TicketWeb et Ticketfly, comment a évolué votre approche par rapport à l’investissement extérieur ?
AD : On pensait que le meilleur chemin pour Ticketfly était de devenir très grand, très rapidement. Nous avions levé des fonds pour TicketWeb mais sans prendre de gros risques. On s’est rendu compte que si on voulait lever des fonds une nouvelle fois, on devait viser plus haut. Nous avons levé 50 millions de dollars, ce qui nous a permis de proposer un outil de CRM ainsi que Pulse, la première application mobile pour les promoteurs.
B : Y avait-il d’autres opportunités de vente avant Pandora ?
AD : Nous avons reçu beaucoup de proposition d’acquisition pendant toutes ces années, mais avant Pandora, ce n’était pas le bon moment. J’ai toujours pensé qu’à un moment ou un autre, les grands entreprises tech et les médias allaient commencer à regarder le secteur de la billetterie. Vous pouvez agréger une audience massive sur les plateformes de streaming, mais pour aller où ?
B : Vous avez construit une entreprise valorisée à presque un demi-milliard de dollars : est-ce que cette valorisation a dépassé vos attentes ?
AD : Nous disions à tous nos acheteurs potentiels que nous avions une vision… Lorsque nous avons vendu TicketWeb, nous avions négocié notre départ pour construire quelque chose de plus grand et de différent. L’acquisition de TicketFly s’est faite au bon prix. L’entreprise aurait pu avoir encore plus de valeur, mais cette vente était la bonne décision pour Ticketfly, les actionnaires, nos employés et Pandora.
B : Un an après cette acquisition, quels sont vos sentiments par rapport à votre partenariat avec Pandora ?
AD : Ce partenariat a largement dépassé nos attentes. Ce sont des gens très intelligents, avec une équipe stratégique très sophistiquée. Ils ont fait beaucoup d’enquêtes et de tests avant l’acquisition, comme la première retransmission en live du concert Jack White au Madison Square Garden. Plus de 72 000 personnes ont crée une station sur Pandora pour pouvoir écouter le concert. Ils ont ensuite diffusé un concert de Mumford & Sons, qui a touché un million de personnes. Il était évident que les utilisateurs de Pandora étaient intéressés par les concerts.
B : Y a-t-il des zones que vous n’avez pas encore explorées ?
AD : Il y a beaucoup d’opportunités dans le parrainage et la publicité. Nous n’avons pas encore d’objectif dans ce domaine, mais nous pensons qu’il y a des affaires à faire pour Ticketfly.
B : Pouvez-vous donner un exemple de la façon dont une salle ou un festival peut utiliser Pandora pour vendre plus de billets ?
AD : Prenons le festival Life is Beautiful (LiB) à Las Vegas. Il y a une station LiB sur Pandora qui permet aux promoteurs du festival de mettre en avant leur événement et leur marque. Nous pouvons également insérer des messages audio dans le flux des auditeurs « Courtney Barnett va jouer à Des Moines dans l’Iowa ; clique ici pour acheter tes billets ! »
Ce sont des actions de transformation qui n’ont encore jamais été réalisées.
B : Beaucoup pense que le graal dans la fusion du streaming et du live, c’est le bouton « acheter » directement dans l’application de streaming. Une évolution à venir ?
AD : Concrètement, c’est ce que nous faisons déjà avec l’application Pandora. Un fan peut voir une notification ou configurer des alertes quand les billets sont en vente, ce qui l’amène directement dans le parcours d’achat de Ticketfly. En 2017, nous allons proposer une intégration plus poussée.
B : Les bots continuent d’être un sujet de débat pour le gouvernement et la société en général. Quelle part de temps vous prend le marché secondaire ?
AD : Nous n’avons pas de gros problèmes avec des bots. Au fur et à mesure des années, nous avons développé une technologie pour identifier ce que nous appelons les mauvais acteurs. Ces dix dernières années, la ligne entre les marchés primaires et secondaires était très floue. La réticence des agents, des managers, des artistes, des promoteurs, des salles et des billetteries (même nous) a donné un prix juste aux billets a crée le second marché. Désormais, notre travail est de reprendre le contrôle sur le marché secondaire. Dans le futur, les billetteries primaires et secondaires seront les mêmes.
B : Vous avez également été promoteur de festival avec le très bref Field Day. Que s’est-il passé ?
AD : Field Day n’était pas destiné à exister. J’adorais l’idée de fusionner le Burning Man avec un festival de rock. Le problème, c’est que je n’avais pas assez tâté le terrain. Il y avait des magouilles dans les coulisses, des problèmes avec les permis. Finalement, après avoir vendu 35 000 billets et 20 000 tickets de camping, ce festival de deux jours a du être déplacé et écourté à une seule journée.
Mais je ne considère pas Field Day comme un échec. Je pense que c’était une bonne leçon de vie : un bon concept ne réussit pas toujours, et les forces externes sont parfois trop difficiles à combattre.
B : Vous avez passé la majeure partie de votre vie dans la baie de San Francisco. Comment avez-vous vu la culture de la ville changer avec l’arrivée des entreprises de technologies ?
AD : San Francisco est une des villes les plus vivantes et dynamiques du monde, notamment parce qu’elle accueille des gens en transit, et continue de se transformer elle-même. Vous ne pouvez pas stopper le progrès.
B : Voyez-vous une réelle déconnexion entre le Nord et le Sud de la Californie – tech vs creative ?
AD : Il y a beaucoup de similitudes entre la tech et les medias. Les deux sont des industries qui prennent des risques. Je pense que les deux parties de l’Etat fonctionnent bien ensemble.
B : Ticketfly a réalisé près de 500 millions de dollars de transactions en 2014. Quel taux de croissance envisagez-vous ?
AD : Ticketfly croît d’environ 25% chaque année. En moyenne, 40% des billets de nos événements ne sont pas vendus. Pour nous, ce chiffre est en deçà de la moyenne de l’industrie de la billetterie. Mais tant que chaque événement ne sera pas complet, nous pouvons toujours nous améliorer.
Crédit : Billbord – Traduction française : Clara Pillet