Les initiatives de l’Etat en faveur des intermittents et des salariés ne profitent pas directement aux sociétés de production de spectacles, relève, dans une tribune au « Monde », le dirigeant de Fimalac Entertainment, qui demande des mesures pérennes et des réformes sur le long terme.
Tribune. On l’oublie parfois : en France, 75 % des spectacles sont produits par des producteurs indépendants. Le groupe que je dirige [Fimalac] appartient à ce secteur privé de la culture qui rassemble des acteurs très divers, ceux-ci assumant à la leur façon une mission d’intérêt général, car c’est grâce à eux que des millions de Français, notamment en région, peuvent accéder dans les meilleures conditions à leurs artistes favoris.
Ce secteur est aujourd’hui gravement fragilisé. Demain, si les spectacles reprennent, qui sera encore là pour produire les artistes si les entreprises ont été condamnées à la ruine ? Quel sera le sort des festivals, dont un grand nombre, ayant renoncé à leur édition 2020, se trouvent sans visibilité pour 2021 ? Que deviendront les intermittents en juin 2021, lorsque finira l’aide de l’Etat, si les producteurs qui les emploient ont disparu ?
La ministre de la culture [Roselyne Bachelot] a déclaré, dans un entretien au Monde daté du 5 septembre : « L’Etat n’abandonnera personne. » L’Etat a pris des initiatives salutaires en offrant une année blanche aux intermittents, en finançant le chômage partiel de nombre de salariés du monde du spectacle, en offrant des aides financières qui n’existent nulle part ailleurs. Il faut s’en féliciter.
Cependant, ces amortisseurs fonctionnent pour nos salariés, mais pas directement pour les entreprises privées de production de spectacles qui assument seules leurs charges de structure. Les 200 millions promis au spectacle vivant privé dans le cadre de la relance seront véritablement utiles s’ils sont fléchés prioritairement et rapidement vers la sauvegarde des entreprises, au moment où les mesures sanitaires dissuadent les assurances de couvrir le risque lié au Covid-19. Quant au prêt garanti par l’Etat (PGE), c’est une dette à rembourser.
Pour une juste rémunération…
Dès le début de la pandémie, nous avons bien sûr pris les choses en main. Nous avons soutenu financièrement nos sociétés de production et nos salles de spectacle. J’ai également pris la décision, dès cet automne, de rouvrir nos théâtres, affrontant le risque du déficit commercial, pour soutenir nos artistes et rendre au public ses salles. J’y ai vu aussi un devoir de citoyen.
Cependant, cette crise révèle, dans nos règles et notre droit, des lacunes qui aujourd’hui pénalisent gravement le secteur privé de la culture. Nul autre que l’Etat ne peut combler ces lacunes. Il y a urgence.
Cette crise devrait enfin être l’occasion de définir un droit unique qui protège le producteur de spectacles. Le producteur finance la création du spectacle et devrait avoir une juste rémunération pour la diffusion de ces contenus sur l’ensemble des médias disponibles aujourd’hui. Il n’est pas normal, alors même que l’industrie phonographique détient des droits légitimes quand il s’agit d’un disque qu’il contribue à financer, que le producteur de spectacles ne soit pas un ayant droit pour le spectacle qu’il finance ! Changer cela permettra à toutes les entreprises, et surtout aux plus petites du secteur, de constituer un petit actif, fruit de leur travail et d’investissements souvent risqués. Lire la suite >>